26 mars 2012

Quand on est étranger au théâtre…

Quand on est étranger, chaque sortie au théâtre est une aventure. Pourrai-je comprendre l’intégralité de la lecture ? Y aura-t-il des sous-entendus que j’ignore ? Ce sont le genre des questions qui me travaillent lorsque je vais au théâtre. Néanmoins, Ma chambre froide de la Compagnie Louis Brouillard m’a beaucoup plu et j’aimerais vous expliquer pourquoi.

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Ma chambre froide était mon introduction aux œuvres de Joël Pommerat. Il est connu en France depuis les années quatre-vingts dix et ses œuvres ont été nommées à plusieurs reprises pour les Molières. Dès les débuts de sa carrière, il travaillait avec la même équipe. Ils se sont engagés à créer 40 pièces de théâtre ensemble! En tant qu’auteur, il s’intéresse à la réalité, surtout au monde du travail. Son avant-dernière création, intitulée La grande et fabuleuse histoire de commerce, a été construite d’après toute une série d’interviews d'anciens voyageurs de commerce de la région du nord de France. D’ailleurs, on peut trouver à travers ses productions certains thèmes récurrents– la lutte des classes et l’économie politique.

Ma première entrée dans cette pièce était le noir, voire le noir absolu. Tous les changements de scène étaient effectués dans le noir complet. De plus, avec le gros travail de lumière d’Eric Soyer, j’avais vraiment l’impression que je regardais un film ou une BD. Il crée des effets qu’on est plutôt habitué à voir au cinéma – gros plan, plan moyen etc. J’ai vraiment eu une sensation d’être emporté dans le monde de rêves d’Estelle – personnage principal - grâce à la création lumières. Par rapport au son, j’ai beaucoup apprécié l’utilisation des micros par les comédiens. Quand une pièce joue énormément sur les changements de ton, les chuchotements d’un camarade ou les phrases inintelligibles d’un certain Chinois, le choix d’utiliser des micros devient un élément-clé. Certes, ce choix pourrait être un reproche chez les puristes et si c’était dans ma langue maternelle, je serais sans doute un petit peu plus snob. Mais, dans ce cas, les micros ont apporté une autre dimension à la pièce et m’ont aidé aussi à comprendre la quasi-totalité de la pièce. Donc, je suis un peu partial!

Ma chambre froide, c'est tout d’abord l’histoire des employés d’une supérette. Une supérette avec un patron, presque insupportable, détesté par tous, surnommé Blocq. C’est là qu’on rencontre Estelle. Estelle, l’éternelle optimiste, prête à rendre service à tous et à toutes. A peine entrés dans la pièce, ils se retrouvent copropriétaires de toutes les sociétés de Blocq. Ce dernier, ayant légué toutes ses affaires après avoir appris qu’il mourra d’un cancer. Seule réserve, il va falloir rendre hommage à Blocq dans une pièce théâtrale. Ce gros changement de statut va engendrer des changements parmi tous les employés, y compris Estelle. On découvre au fur et à mesure un coté noir et violent d’Estelle qu’on n’a pas vu auparavant. Surtout, dans ce renversement des rôles, les employés découvrent ce que veut dire être un patron, tandis que Blocq découvre l’impuissance et la dépendance.

Et aussi bizarre cela puisse-t-il paraitre, je dois vous avouer que j’ai beaucoup ri...

Stanley Okoro, étudiant au DEFI, Université de Lille3

Commentaires

Excellente critique sur ce remarquable spectacle. Elle témoigne d'une grande maîtrise de notre langue ainsi que d'un aspect important de la difficulté que présente le théâtre pour un étranger ou un français non natif: beaucoup de non-dits implicites y sont présents en général sans qu'on en ait conscience.

Écrit par : dandin | 27 mars 2012

Merci!

Écrit par : stanley | 30 mars 2012

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