Les jeunes ont la parole

Dans le cadre du Village 2011 une fausse manif de rattrapage a eu lieu le vendredi dans les rues de Lille. Je me suis introduit au sein du cortège , qui réunissait une bande de clowns, les faux prêtres de l'Eglise, les Sambactivistes et une multitude de personnes déguisées qui vénéraient la consommation en chantant, récitant de poèmes burlesques, communiquant ses messages ironiques. Tout de suite je me suis rendu compte que ce n'est pas une manifestation comme les autres. Celle-ci était amusante, et on a beaucoup rigolé. J'étais surpris de la bonne humeur des manifestants, et je me suis dit que c'est génial de protester de cette manière. En plus on a rendu hommage aux vitrines les plus brillantes et on ne passait pas les 4x4 sans être adorés.

Plus tard à la soirée à la MRES j'ai rencontré l'un des coupables de ce blasphème. Alessandro, qui se décrit comme « l'un des chanceux, qui prends du temps pour réfléchir ».

Aless, tu fait partie de l'Eglise de la Très Sainte Consommation. Qu'est-ce que c'est ? >> On prie parce que le Nouveau Dieu, ce n’est pas la religion, mais la religion, c'est l'argent. Partout dans le monde qu'est-ce qui est plus puissant que la religion, c'est l'argent. C'est le capitalisme, c'est le capitale. Donc on va prier, on va demander aux gens de consommer encore plus. En France et partout dans le monde ce qu'on entend tout le temps c'est qu'il y a deux choses importantes. L'emploi, même si c'est un emploi de merde, même si les gens sont exploités dans leur travail, et consommer, consommer, consommer. On fait des prières, on chant, on s'amuse beaucoup, voilà, c'est drôle.

Est-ce que tu penses que les gens participeront de plus en plus à votre église? >> On essaye de réfléchir les gens, mais ce qui ne fait pas agir vraiment les gens peut-être. Mais s'ils participent effectivement à notre église, si nous sommes mille ou deux mille, ça sera géniale! Bon, ça sera compliqué à organiser, mais imagine cent ou deux cent personnes qui vont dans les magasins, qui vont lâcher les vitrines, eh, eh !!!

En fait plus il y a de personnes, plus il y a du monde, plus il y a du public. Comme les Déboulonneurs, d'habitude on est que 20 ou 30 et là tout de suite à la gare Lille Flandres, 50 personnes. Les gens ils s'arrêtent, regardent, comme ils ont peur, dès que le voisin il agit, ben d'accord , mais aussi moi j'y vais!

Comment tu imagines l'avenir? >> On est contre la société de sécurité, de surveillance. On n'apprend pas tellement de l'histoire, j'ai l'impression. C'est tout le temps le même mécanisme, les puissants, les dominants, les publicites, les industries, ceux qui ont l'argent ils auront toujours plus. Donc ils exploitent plus les gens, ils font toujours plus de loi liberticides pour mettre tout le temps plus les gens au travail, jusqu'au maximum qu'ils supportent avant que les gens se révoltent, comme en Tunisie. Puis ils mettent la peur dans les gens, qui ont toujours plus de peur, des voisins des étrangers, du chômage. Alors tu acceptes tos les travaux, métiers même si on t'exploite. Et puis en France on dit aux français si vous ne voulez pas travailler, qui sert aux riches, nous irons chercher des gens de l'Europe de l'est ou de l'Asie. C'est inégal! Finalement on vit dans la peur, dans l'extrémisme immonde tout le temps. Les gens vont de plus en plus à droite, dans l'extrémisme et puis les gens consomme de plus en plus de conneries, parce que leur vie n'a pas de sens. Fatigués, travailler un métier qui n'aime pas , les gens ne sont pas vraiment heureux, donc chacun est pessimiste.

Et le rôle des médias? >> Je n'écoute pas le radio, ni la télé! A la télé il y a des émissions de m..., les gens ne réfléchissent du tout, deviennent bête. Ils ont peur des autres, méchants, après on fait des guerres. Je m'informe de l'Internet. Les gens ne réfléchissent pas, travail toute la journée, après trois heures de télé, plus s'occuper des enfants. On a de la chance avec quelques amis de prendre de temps parce que le temps est important. Il faut du temps pour réfléchir. On remet en cause le travail. Il faut travailler un peu, pour produire ce qu'on mange, se chauffer, s'habiller, des trucs comme ça. On a le temps, le travail, le mode de transport, moi je suis en ville, je suis à vélo, j'ai pas de voiture.

Penses-tu que l'éducation d'aujourd'hui assure un meilleur avenir? >> Sur l'éducation il y a beaucoup de choses à dire aussi. Comme je t'ai dit il y a des écoles de marketing, de commerce parce que la réussite c'est gagner beaucoup d'argent. Ce n’est pas être heureux, ce n’est pas d'avoir beaucoup d'amis, ce n’est pas d'avoir recul sur la société, c'est l'argent. Mais moi je suis beaucoup plus riche que les riches. Nous voulons tout remettre en cause en fait, réfléchir ! On nous apprend des trucs et nous réfléchissons, parce que souvent les trucs qu'on nous apprend ce sont les riches, les vainqueurs. L'économie mondiale est régie par les riches, par les vainqueurs qui imposent un mode de vie tout consommer.

Comment tu peux englober deux manières différents de protester et de lutter? >> J'aime bien une fois sérieux et une fois pas sérieux. La fausse manifestation avec l'Eglise parce que avec l'humour ça marche mieux. Par exemple avec les Déboulonneurs, on est dans la rue et les gens n'aiment pas le désordre, la désobéissance. En France et partout dans le monde les gens ont peur , ils veulent être rassurés et ne veulent pas réfléchir.

Que comptez-vous faire, alors? >> Par exemple le groupe de Samba, les gens s'arrêtent ils ont moins peur. Partout dans le monde tu joue la musique, c'est fédérateur, les gens tout de suite quand il y a de la musique ils sont frères. C'est comme avec la gastronomie. Partager une recette de ton pays, c'est crée de liens. Tu peut disputer sur la politique sur la religion, partager un repas, c'est la même langage partout dans le monde.

Siméon Manoloff, étudiant Erasmus.