Les jeunes ont la parole

Le Conseil Régional a eu beau montrer Berck sous son meilleur jour, il n'a pas pu assurer des connexions de bus pour traverser les 10 kilomètres à partir du Rang-du-Fliers, où se trouve la dernière gare SNCF. Heureusement qu'on a rencontré des gentils habitants prêts à nous amener jusqu’à Berck.

Enfin, la mer. Les plus courageux osent prendre la mer sur leurs planches à voiles. Moi, homme du nord, je suis habitué au vent frais qui souffle sans arrêt à cette altitude. Ma copine italienne, en revanche, souffre du choc thermique. Deux canaux créés par la marée basse nous séparent de l'origine de la vie. Je peux les traverser à pieds nus. Mais pour qu'elle puisse traverser ces canaux à sec, je la porte dans mes bras, deux fois et retour. Mon dos est épuisé après, mais voilà l'enjeu du gentilhomme.




« La région Nord-pas-de-Calais est une région originale qui ne se désoriginalisera jamais »

L'azur semble infini au bord de la mer du nord lors de cette fête de Pâques jamais vue si chaude et si tardive. En dessous des cerfs-volants commence la danse des filles qualifiée de« sublime féminité » par le présentateur. Le ciel est décoré des couleurs soyeuses. Une armada de vaches-volantes délimite l'endroit où les artistes présentent leurs prouesses volatiles. Des cerfs-volants sont à vendre partout, mais c'est beaucoup plus sympa d’en gagner un. La chance s'offre à nous lorsqu'un présentateur organise un jeu public sur une scène à côté de la promenade. Il faut jouer au « ni oui, ni non », (c'est-à-dire, répondre aux questions du présentateur sans dire ni oui ni non). C'est plus difficile que l'on pense. Après, il fait répéter à ses candidats une phrase difficile à prononcer et promouvant les avantages de la région, idée très fine pour faire de la pub. Ils offrent d’ailleurs en cadeau des cerfs-volants et des frisbees avec l'emblème de la Région. Après avoir écouté 15 fois la phrase « La région Nord-pas-de-Calais est une région originale qui ne se désoriginalisera jamais », on ne va jamais l’oublier. Ma copine réussit au jeu avec son charme italien et gagne un cerf-volant, un frisbee et un badge. Rapidement, nous trouvons le bon endroit pour essayer un petit vol. Le vent souffle si fort que c'est vraiment facile de maintenir l'instrument en plein air.

Rentrer en cerf-volant ?

Finalement, on nous souhaite du « bon vent » pour la prochaine fois. Lorsque la parade est finie et que le soleil se couche, nous voulons retourner à la gare. Mais comment y arriver, sans bus? Un secouriste nous amène à l'office de tourisme. Et là, mauvaise nouvelle. Tous les taxis sont réservés pendant trois heures et notre train partira dans 90 minutes. Les gens à l'accueil, tous des moins de 30 ans, avouent que « c'est mal fait », mais ne nous offrent aucune alternative que la marche à pied. Dans « une petite heure », on serait à Rang-du-Fliers. L'homme de l’accueil très serviable s'imaginait peut-être que j’étais quelqu'un de sportif qui s'y connaît. Mais avec trois femmes en compagnie, c'est une mission impossible!

Notre dernière chance: l'autostop. Mais l'enthousiasme du matin était passé. Les gens, bronzés et fatigués, ne souhaitent qu'une chose: rentrer vite. Ils se foutent pas mal de quatre gens perdus, d'autant plus qu'il y a des embouteillages prolongés sur la route. J'ai consulté Google Maps le lendemain: on a mis deux heures et demie à parcourir environ 7 kilomètres (en ne sachant pas la route et en s'arrêtant souvent pour demander aux conducteurs). A la gare, l’hôtesse d'accueil nous apprend d'une clarté furibonde que nous avons raté le dernier train pour Lille et qu'il est impossible d'y retourner ce soir, même en changeant les trains.

Notre journée trouve sa fin dans un hôtel à Boulogne. Non, franchement, j'ai bien aimé cette journée. Mais voici ma conclusion personnelle: certains coins de la région Nord-pas-de-Calais sont enclavés et ne se désenclaveront jamais.

Philipp Reichert, étudiant Erasmus.