15 novembre 2010

L’odeur d’une raclette

La foule bourdonnait d’impatience dans le hall du théâtre « La Rose des vents ». Ce soir-là les Chiens de Navarre présentaient leur comédie « Une Raclette ». La veille, j’avais consulté Internet afin d’en savoir un peu plus sur cette pièce. Il s’est avéré que c’était une création collective. Ca a fait tilt dans ma tête. Une des pièces les plus drôles que j’ai jamais vue – Le Père Noël est une ordure – avait été aussi écrite collectivement. Donc, je m’apprêtais à voir quelque chose du même esprit : burlesque et plein d’humour.

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Lorsque nous sommes entrés dans la salle, les acteurs étaient déjà sur scène. Installés autour d’une table, ils bavardaient. J’ai pris le programme posé sur ma chaise et me suis mise à l’étudier d’un œil indolent. « Que peut-on bien se dire autour d’une table qui ne soit pas du théâtre mais qui puisse le devenir simplement parce qu’on le montre ?
Une table donc, mais aussi des chaises et des acteurs. Huit acteurs qui décident de se donner un rendez-vous sur scène pour manger une raclette. .. ». Là, j’ai eu un éclair : table présente, chaises présentes, ainsi que des acteurs, donc c’est une sorte de prélude ! En effet, au bout de cinq minutes nous étions prévenus que les comédiens allaient jouer. Et c’est parti!

Devant nous un couple recevait ses voisins pour pendre leur crémaillère. Des gens ordinaires, comme vous et moi, faisaient la causette autour d’une raclette dont l’odeur embaumait la scène. Leur bavardage suscitait l’attention des spectateurs, mais rien de plus. De peur que les spectateurs ne s’ennuient, un des « invités » a plongé sa tête dans récipient de sangria et ce, pour un bon bout de temps. Peu après un chevalier en armure a fait son apparition sur la scène, il tenait absolument à étrangler un des hôtes, probablement mu par une haine héréditaire. ..
L’action se corsait. Deux protagonistes dénudés faisaient, pardon, feignaient de faire l’amour sur la fameuse table. A peine se sont-ils calmés, deux autres obsédés sexuels ont débarqué. Déguisés l’un en carotte, l’autre en champignon, ils ont commis une tentative de viol sur la maîtresse de la maison.
Finalement tous les protagonistes se sont mis à poil et ont quitté la scène à bord d’une voiture par la sortie de derrière. Il ne restait que l’odeur de raclette flottant dans la salle.

Je quittais «La rose des vents » dans un état de profonde perplexité. Que voulait dire le collectif par cette création fantasmagorique ? Quelle idée peut-on en retirer ? Les questions grouillaient dans ma tête quand j’ai pris le métro. En espérant y trouver la réponse, j’ai ouvert de nouveau le programme. « Huit acteurs qui s’amusent à imiter le réel et le théâtre, qui font ce qu’on leur avait dit de ne jamais faire sur le plateau... Le théâtre n’obéit plus à une reproduction mécanique, mais se retisse chaque soir dans la trame de l’instant. Un seul mot d’ordre pour tous : l’intranquillité ».
Ma perplexité est montée encore d’un cran. Forcément, je devais être trop ringarde pour percevoir et apprécier toute la profondeur de ces propos et de la pièce en particulier. A cette pensée, j’ai rangé le programme au fond de mon sac et me suis jurée de choisir la prochaine fois une pièce qui ne serait pas dans le vent.

http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Une-Raclet...

Marina Ratnikova, étudiante de Master à Lille 3

Commentaires

Bonjour Marina,

je viens par hasard de lire ton article sur la pièce. J'habite le Mexique et il est de ce fait peu probable que je voie la pièce. Je suis désolé que tu aies dû ainsi l'endurer mais je peux t'assurer que j'ai trouvé ton compte-rendu très drôle et très sympathique. C'est (pas si) triste mais c'est comme ça: il faut que certains souffrent un peu pour que d'autres se divertissent du récit de leurs mésaventures. Évidemment, pour cela il faut aussi qu'elles soient bien racontées... j'ai trouvé que c'était le cas

bien cordialement...

benoit

Écrit par : benoit | 26 janvier 2011

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