18 mars 2010
Une maison blanche, à Dunkerque, près de la mer, mais loin de l’Algérie
18 janvier : j’arrive à Lille. C’est mon premier jour d’ Erasmus . Je n’ai pas envie d’être ici, je viens de vivre une période difficile et tout particulière de ma vie : quitter mes amis, ma famille, mon pays pour débarquer dans un coin du monde inconnu, cela a été très difficile, trop difficile. J’en ai assez de me sentir dire « tu es toujours ailleurs »: c’est le dernier déplacement, je me suis dit, la dernière fois que tu laisses ta vie derrière toi …
Résidence Robespierre : rue Lavoisier.
C’est l’université qui m’a trouvé un logement, heureusement. Je m’énerve avec mon ordinateur , car je ne réussis pas à me connecter avec Skype. Comme je fais d’habitude quand j’ai un problème, je cherche quelqu’un qui peut m’aider : je sors dans le couloir et… Je rencontre Asma, qui rentre de l’université.
Elle me prête son ordinateur et m’amène au supermarché, pour acheter tout ce dont j’aurai besoin et que n’ai pas pu apporter de l’Italie , dans mon sac de 17 kilos. C’est elle qui cuisine pour moi, ce soir-là… Elle soigne ainsi, avec son amitié, toute ma tristesse et ma solitude...
Quelques jours plus tard, c’est l’odeur d’une tarte au citron qui m’amène à l'intérieur.
Le goût qui me réchauffe, en cette froide soirée, c’est celui du thé à la menthe.
J’ai un dessin dans les mains, cadeau inestimable d’un enfant.
Il s’appelle Omar, le plus grand « chevalier » de cette famille : il est mon copain de jeux et mon professeur de français préféré.
Son grand- frère a 24 ans. Combien a-t-il été difficile pour toi, Hichem, de quitter l’Algérie il y cinq ans ?
Et puis elle, Sana, 17 ans. La passion pour la danse et l’esprit de liberté, mot issu de la Révolution, dans sa tête, et un sweat avec une lune et une étoile pour garder son âme.
Asma est la dernière des enfants de cette famille : elle prend soin de moi, elle m’écoute, elle lit dans mes besoins avec une affection qui m’étonne. La confiance qu’elle m’offre dépasse toutes les barrières que nos cultures, langues, religions diverses auraient pu créer entre nous.
Le douceur d’un lit donné m’accueil, le son des versets du Coran se mélange avec les voix des grandes, chuchotées pour ne pas nous réveiller, petits dormants.
Aicha est la gardienne de cette maison : pour la décrire dignement je devrais parler de toutes les attentions, tous les soins, toutes les mémoires d’amour que chaque enfant porte dans son cœur.
Mohamed est le chef de la famille : en écoutant sa voix douce et compréhensive parlant de sa religion, je me demande si c’est le même Dieu qu’on rencontre dans les prières du vendredi soir à la mosquée et dans le silence d’une église un dimanche matin.
Et si, à la fin, ce Dieu inconnu dont on est tous à la recherche, n’habite que dans nos cœurs, au delà de toutes les différences religieuses et de toutes les incompréhensions.
…Le lundi me rappelle mes affaires Lilloises.
Je m’en vais, en me demandant si, en fin de compte, le mot « famille » a vraiment une signification différente dans d’autres pays, dans d’autres culturee, « étrangères »…
Natalia, étudiante en Erasmus à Lille 3
[Ce texte a été partiellement réécrit le 24 mars 2010]
14:55 Publié dans La France à travers mes yeux... | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : algérie, dunkerque, enfants, souvenirs, liberté, confiance
Commentaires
Merci pour ce joli texte, tu m'as offert un moment de calme, je me suis perdue dans tes mots qui disent si bien que finalement, la seule richesse valable, c'est celle de la rencontre avec l'Autre.
Écrit par : Camille | 23 mars 2010
Un bien joli texte qui fait grandir l'âme, bravo.
Écrit par : Charlène | 31 mars 2010
La citation d'un grand Monsieur qui a beaucoup réfléchi sur les relations humaines:
" Le seul vrai objectif d'une vie humaine, c'est la rencontre [...] Apprendre à se construire avec l'aide des autres."
Albert Jacquard
Écrit par : Nadia | 31 mars 2010
Les commentaires sont fermés.