Les jeunes ont la parole

Ce qui m’a frappée le plus ici, en France, c’est la gentillesse. Par cela je veux dire la courtoisie générale des gens à la boulangerie, au supermarché ou même dans le métro. Mais il me semble que cette politesse est juste une façade, une excuse pour commencer une conversation. Normalement, c’est une bonne chose, cela facilite le contact, surtout si on ne connaît personne dans la ville. C’est ce que je pensais avant, mais plus maintenant.

Il n’est pas facile d’apprendre l’accent français, alors même si j’essaie de prononcer tous les sons correctement, on peut aisément s’apercevoir que je suis étrangère. Et oui, ÉTRANGÈRE, je pense que c’est le mot-clé dans mon histoire. Au début, j’étais agréablement surprise par les réactions des Français qui me demandaient avec curiosité d’où je venais, si j’aimais bien la vie à Lille, et qui parfois pouvaient dire un ou deux mots dans ma langue. C’est très accueillant et cela me donne l’impression que personne ne me voit comme une intruse.

Un soir, alors que j’étais sortie de chez moi pour me promener dans la rue, un homme m’a demandé si j’avais une cigarette. Une demande banale, mais qui a évolué en une longue conversation. J’étais contente d’avoir rencontré quelqu’un ici, mais au bout de 2 minutes, il m’a proposé de mieux se connaître en buvant une bière ou un café... chez moi ou chez lui. L’invitation n’était pas déclinable pour lui. Complètement énervée, je me suis justifiée en disant que j’avais un copain et il n’était pas possible d’aller chez moi. Il m’a répondu que c’est n’était pas grave, car je n’avais rien à décider. « On peut mieux se connaître et puis tu verras » eh... non. De toute façon, il ne voulait pas me lâcher. Même après que je sois partie, je suis à nouveau tombée sur lui dans la rue (je n’allais pas directement chez moi, parce que je ne voulais pas qu’il sache où j’habite). Essayant la technique de chantage émotionnel « Je ne te plais pas... je le vois... ». Finalement il m’a obligée à être directe et même un peu méchante, pour qu’il me laisse tranquille. Néanmoins par malchance, il s’est avéré que son appartement se trouve juste en face de chez moi. Pendant au moins deux semaines, j’avais peur qu’il ne me voie quand je sors dans la rue. Peut-être que j’exagère, mais on n’est jamais trop prudente, quand on est tout seule dans la ville, on ne sait jamais...

Dans mon pays, quand quelqu’un demande l’heure, une cigarette ou du feu, il l’obtient, remercie et s’en va. Tout simplement. Est-il si difficile de faire connaissance en France avec une fille dans les situations quotidiennes, pour que les hommes soient poussés à se comporter de cette manière?

Plusieurs situations comme celle-ci, des commentaires grossiers dans la rue, des sifflements et des bonjours innocents suivis d’une drague primitive m’ont poussée à essayer de comprendre. J’ai raconté à un ami Français tout ce qui m’est arrivé et là : illumination ! Il semblerait que tout dépend du sourire. Apparemment, si on répond « bonjour » en souriant c’est un signe d’acceptation de la conversation, et plus le sourire est large, plus on s’engage dans cette conversation. Aussi simple que vrai : j’ai vérifié. Ce conseil a réellement changé ma vie : je peux me débarrasser des rencontres bizarres, sans être draguée ni traitée de méchante. Mes amies françaises ne connaissent pas ce problème ou peut-être qu’elles sont simplement habituées et elles ne s’aperçoivent plus des sifflements ou des commentaires.

Alors je me croyais déjà armée pour survivre dans cette jungle, je me suis à nouveau retrouvée face à une proposition presque irréfutable. Je sortais du métro en rentrant d’une fête, quand un homme qui me suivait s’est adressé à moi en me proposant de terminer la soirée ensemble. Toute stupéfaite, j’ai refusé poliment (sans sourire), mais très insistant, il n’acceptait pas mon refus. Merci aux agents médiateurs de Transpole, dont l’apparition l’a probablement découragé. Je pourrais énumérer à l’infini des histoires comme celle-ci, et franchement, j’en ai marre. Je comprends que n’étant pas d’ici, j’ai l’air perdue, que faute de connaître certains codes, j’ai des réactions naïves ou même inconscientes.

Mais est-ce que cette étiquette d’étrangère sur mon front veut aussi dire « fille facile » ?!

Barbara, étudiante Erasmus.