05 mai 2010

Le voile intégral, vu de France et d'Espagne

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Il y a quelques jours, la polémique sur le voile intégral (burqa et niqab) s'est réveillée en France, à la suite d'une conférence de presse organisée par une femme qui avait été condamné à une amende pour conduire habillée avec le niqab. Cet événement a été l'excuse parfaite pour les politiciens, pour déterrer le débat sur le voile intégral.


Mais aussi, des autres faits ont vu le jour en parallèle: la polygamie du mari de cette femme qui serait un membre supposé d'une mouvance radicale appelée Tabligh, et une possible fraude à l'Etat par les allocations familiales, des faits sur lesquels la justice enquête maintenant .

Les citoyens ne savent pas quoi penser, ou plutôt, ils ne savent pas ce qu'ils doivent penser.

D'un côté, on pense à la liberté religieuse et à la liberté personnelle de chacun de s'habiller comme il veut. D'un autre côté, on se demande si la décision de porter ce vêtement fait vraiment partie d'un sentiment religieux (on ne peut pas oublier que le voile intégral n'est pas un précepte de l'Islam, mais une tradition importée d'Afghanistan au reste des pays de religion musulmane) et si cette décision est vraiment libre ou imposée d'une certaine manière par l'environnement de la personne. En tout cas, la ligne entre la liberté et l'imposition par l'environnement (une imposition qu'on peut appeler « subliminale ») est si étroite qu'on ne peut pas la distinguer.

Du côté des politiciens, l'événement est utilisé pour reprendre le débat sur la loi du voile intégral et son interdiction dans les lieux publiques, une loi pour laquelle le Conseil d'État, consulté fin mars, avait soulevé ses inquiétudes sur plusieurs points.

Est-ce que l'on peut contrôler la façon de s'habiller des citoyens?

Si on pense que ce symbole représente la soumission de la femme par rapport à l'homme, en interdisant que, comme un objet, elle soit vue par les hommes qui ne sont pas son mari, doit-on alors l'interdire ? Doit-on interdire son usage dans les lieux publiques ou doit-on interdire n'importe quel vêtement -religieux ou non- qui cache le visage d'une personne à cause de raisons de sécurité? Est-ce qu'on peut contrôler la façon de s'habiller des citoyens? D'autre part, si on voit la burqa comme un symbole d'engagement religieux de la femme, le fait n'est pas si clair.

Des autres questions qui sont apparues: que doit-on faire avec un citoyen qui est, au moins dans la pratique, marié avec trois femmes? Et si ces femmes ont escroqué l'Etat? Que doit faire la justice si cet homme est lié à un courant islamiste radical ? Est-ce juridiquement possible de lui retirer la nationalité française pour de telles raisons?


... La polémique vue d'Espagne


Un cas tout à fait différent mais qui s'est déclenché au même temps en Espagne, c'est la polémique sur le voile islamique ou hiyab à l'école. Une polémique que la France a déjà surmonté quelques années auparavant.

Il y a deux semaines, une jeune fille de seize ans, qui étudiait dans un lycée publique, a décidé de porter le voile. Le règlement de ce lycée interdit aux élèves de porter quelque chose sur la tête (que ce soit un symbole religieux, ou n'importe quel chapeau ou casquette). C'est pour cela qu'on a interdit à cette fille d'aller en cours. Suite à cet épisode, les parents de la fille ont fait une conférence de presse pour faire connaître le cas à l'opinion publique.

Discrimination religieuse?


Mais est-ce vraiment un cas de discrimination religieuse que de ne pas permettre à une fille de désobéir aux règles d'un lycée, qui sont les mêmes pour tous les élèves? D'autre part, est-ce juste qu'une fille de seize ans devienne un personnage public pour ce fait de sa vie privé? Cette médiatisation de sa situation peut-elle nuire à la santé mentale de cette fille, dans un moment où tout adolescent est en train de former sa propre personnalité? Les médias et les parents ont-ils bien traité le cas?

Comme en France, ce cas a été utilisé pour faire de la politique. Quelques politiciens défendaient le fait que la fille avait droit à l'éducation. C'est pour cela que le lycée devait faire une exception en la permettant de porter le hiyab aux cours?

Légiférer, est-ce la solution?


En Espagne, on n'a pas de loi qui contrôle le port de signes religieuses dans les lieux publiques, du moins, pour l'instant. En pleine polémique sur les symboles religieux à l'école, les opposants ont essayé d'argumenter pour que des crucifix soient encore accrochés dans quelques écoles publiques à côté des tableaux. Peut-on comparer la liberté de chacun de porter un symbole religieux sous sa responsabilité au fait qu'une institution publique soit « habillée » de symboles religieux?


Moi, je suis contre tout symbole qui porte attente à la dignité des personnes, y compris, naturellement, la dignité de la femme. Légiférer est-ce alors la solution? Je ne sais pas. Mais ce que je pense, c'est que comme toujours, on a la mauvaise habitude de faire de ce type de questions l'affaire des politiciens, et non pas des sociologues, des psychologues ou des spécialistes de la question, des personnes qui peuvent vraiment apporter une vision objective, si c'est possible, dans ce cas.

On oublie parfois, que les personnes hyper-croyantes ne font pas forcément de mal aux autres, mais à eux-mêmes. Et que le seul moyen de faire qu'ils se rendent compte de ce mal, c'est pas l'interdiction, mais l'éducation et la liberté. Ces deux choses feront réfléchir les gens, et dans un ambiance de réflexion et d'harmonie, les extrémismes sont inconcevables et ces comportements n'arrivent pas.


Helena Garcia Sanchez, étudiante Erasmus à Lille 3


Commentaires

Je trouve ton article très réfléchi sur ce sujet bien délicat et je partage ton avis sur le fait que c'est l'éducation et la liberté qui empêchera les extrémismes et autres "renfermements identitaires" de se développer. Je pense aussi que c'est en évitant la stigmatisation et les amalgames que vivent largement les musulmans (en France en tous cas) en ce moment dans les débats publics.

Écrit par : Nadia | 12 mai 2010

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